02 septembre 2011

TURZI ELECTRONIC EXPÉRIENCE


Après A et B, il n'était pas absurde de penser que la prochaine sortie de TURZI serait C. Mais non. En réalité, Education n'est pas la suite de A et B, mais celle de son premier disque, le pré-alphabétique Made Under Authority, paru en 2006. Ce premier disque avait été enregistré essentiellement par un jeune Romain Turzi encore étudiant, seul dans la cuisine de la piaule qu'il occupait alors Rue Biot, avant de s'enrichir du groupe qui l'accompagnera en concert et sur disques. Il y proposait sa vision du rock continental, musique qui le fascinait et qui l'a façonné. La critique et même le public l'ont alors étiqueté krautrock et pensaient en rester là. C'est en 2008 que Romain Turzi se produit pour la première fois seul sur scène, sous le nom de TURZI ELECTRONIQUE EXPERIENCE. Ses études sont finies et son éducation faite. Mais ce soir-là marque la première apparition d'une machine moderne sur scène : le Yamaha Tenori-On, commercialisé quelques mois plus tôt. Ce boitier plastique lui permet de contrôler autant de synthés qu'il a de doigts à chaque main. Cette petite révolution digitale dans le kit de celui qu'on a souvent présenté comme un gardien du temple analogique ne restera pas sans suite. Petit à petit, Yamaha prendra la place de Roland dans le cœur du musicien.

En même temps que le musicien, c'est l'auditeur qui évolue. Son écoute devient révisionnaire (mi-révisionniste, mi-visionnaire), et il comprend alors que son éducation musicale était loin d'être achevée. Il comprend qu'il y a en réalité plus de charme dans le Tangerine Dream digital 80’s que dans l'analogique 70’s, plus de démesure dans Zoolook ou Révolution de Jean-Michel Jarre que dans les usés Oxygène et Equinoxe, plus à apprendre de Gainsbarre que de Gainsbourg. Il comprend surtout que la ligne qui relie les différentes œuvres de ces artistes est plus intéressante que les étapes.

Cinq ans après Made Under Authority, Romain Turzi n'aborde plus la musique européenne du même angle. Comme un étudiant entamant son troisième cycle, il étend sa vision, qui n'est plus synchronique mais diachronique. Dans son panthéon personnel, le Roumain Michael Cretu (fondateur du groupe Enigma) ou l'album culte des KLF 'Chill Out' côtoient désormais les maîtres reconnus de tous que sont Morricone ou Kraftwerk. Ces influences, vous les entendrez dans Education.

Romain Turzi a compris que le krautrock et le psych français auxquels on l'a tant comparé n’étaient pas des musiques nées avec Mai 68 et mortes avec le punk : leur apprentissage ne devrait pas figurer au programme du cours d'histoire, mais plutôt de philosophie. Il a compris que l'underground, ce n'était pas la place des fruits mais celle des graines, qui ne demandent qu'à pousser et à fleurir. Comme le vrai artiste qu'il est, Romain Turzi s'est (à nouveau) affranchi de ses propres codes. Plutôt que la science, l'étude de ce qui est démontrable, il a choisi l'inconnu. Le rock disciplinaire de ses débuts a laissé place à l'électronique révisionnaire. L'expérience électronique de Romain Turzi est un cours de travaux pratique, qui entreprend d'éduquer l'auditeur, de lui transmettre l'éducation qu'il a reçue, lui qui aujourd'hui est moins le fils de sa mère que le père de sa fille. Mais c'est aussi un cours magistral, où il s'agit pour l'auditeur de remettre en question son confort intellectuel. C'était déjà le cas de Made Under Authority l'avait fait avant la lettre, quand 'krautrock' n'était pas encore le mot-clé préféré des lettrés de la musique - et comme, du reste, les tauliers du krautrock l'avaient fait en leur temps, Can en embrassant le reggae, Kraftwerk en intégrant la techno-pop sous l'impulsion de François Kevorkian, deux propositions qui déconcertèrent leur époque.Le François K de Education, c'est PILOOSKI, bien connu pour ses édits de morceaux déjà publiés, qu'il recentre et rend plus dansants. C'est ce même processus qu'il a fait subir aux titres de Turzi, parfois trop longs ou dispersés ; fort de sa culture club, différente de celle de Romain qui écoute la musique plus volontiers assis chez lui que debout en boîte, il a su les épurer, déplacer le curseur de l'arrangement à la composition, et leur conférer cette efficacité qui leur permettra de parler au corps autant qu'à l'esprit. Romain a mis dans cet album tout ce qu'il a vécu avant de commencer à enregistrer et que, peut-être, il n'aurait pas su exprimer avant.Made Under Authority était composé de vignettes conçues, créées et enregistrées dans l'instant présent, Education au contraire entend raconter le passé de son auteur.
A l’occasion de la sortie d’“Éducation”, son premier album solo et électro produit par Pilooski, Romain Turzi, aka Turzi Électronique Expérience (T.E.E.), sera en concert le 7 septembre à la Gaîté Lyrique.



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